Le Gnomon Astroïde de Freeman (suite)

 

par Jean Pakhomoff

 

 

-IV- LES DIFFERENTES SITUATIONS DE LECTURE DE L’HEURE.

Si cette lecture est simple dans les heures proches de midi ou minuit, par exemple entre 8h et 16h ou

entre 20h et 4h du matin (il y a en effet des lieux où les jours sont de 24 heures et cela quel que soit le moment de l’année sur la planète),

elle devient bien plus difficile aux environs de 6h et 18h. A ces moments les lignes horaires sont très proches les unes des autres et surtout,

chacune pouvant correspondre à 2 heures différentes comme nous l’avons vu plus haut on peut hésiter sur le moment réel de la journée.

Est-il 5h de l’après-midi ou 7h du soir ? Est-il 5h ou 7h du matin? Freeman a alors imaginé un ingénieux procédé permettant de lever une grande partie de ces incertitudes.

Observons la figure 8. A partir du point O origine des coordonnées il trace un cercle de rayon

r = a cos 23.45 ce qui est la valeur de OT’ le jour des solstices à 6h ou 18h (t =90° ou 270°). Il mène ensuite une perpendiculaire à la méridienne passant par O.

Cette droite est appelée r. 2 parallèles à celle-ci: m vers le sud et b vers le nord chacune à la distance a sin 23.45 de r. Un autre cercle de rayon a est tracé:

c’est la valeur de OT’ aux équinoxes à 6h ou 18h.

La position de T, extrémité de l’ombre de l’astroïde, par rapport aux cercles ci-dessus va nous aider à apprécier la bonne heure.

Lorsque d est <0 dans l’hémisphère nord ou >0 dans l’hémisphère sud il n’y a pas de problème. Les jours étant inférieurs à 12h les heures indiquées par le cadran

ne pourront être que des heures de jour

fig 8

plaque supérieure du cadran de Freeman comportant le gnomon

astroïde pivotant sur OQ , la ligne de référence passant par T, le

petit cercle de rayon a cos 23.45, le grand cercle de rayon

a cos 0 sin 90 = a, les lignes m, r, et b perpendiculaires à UV

avec m r = r b = a sin 23.45

 

Si d devient >0 dans l’hémisphère nord ou <0 dans l’hémisphère sud les jours vont dépasser 12h et nous pourrons hésiter sur la qualité de l’heure:

heure de jour entre 6h et 18h ou heure de nuit entre 18h et 6h ?

En portant la valeur de sin h de (1) dans (6) nous pouvons écrire que

sin d = sin f (sin f sin d + cos f cos d cos t) - cos f cos h cos a

sin d = sin² f sin d + cos f sin f cos d cos t - cos f cos h cos a

sin d - sin² f sin d = cos f sin f cos d cos t - cos f cos h cos a

sin d (1 - sin² f) = sin d cos² f = cos f sin f cos d cos t - cos f cos h cos a

En divisant par cos f on obtient

sin d cos f = sin f cos d cos t - cos h cos a (7)

Nous allons maintenant étudier la position de T dans les cercles de rayon a cos 23.45 et a.

fig 9

Observons la figure 9.

1) T est dans le cercle de rayon a cos 23.45

Donc OT < a cos 23.45 <=> a cos h < a cos 23.45 <=> cos h < cos 23.45 et h > 23.45.

De (1) on peut tirer cos f cos d cos t = sin h - sin f sin d > sin 23.45 - sin f sin d

Si d > 0 <=> sin 23.45 - sin f sin d > ou = sin d (1 - sin f) > 0.

d’où cos f cos d cos t > 0 et cos t > 0 <=> t < pi/2 que f soit > 0 ou < 0.

Si d < 0 on peut écrire que sin d = - sin (-d)

ou sin 23.45 - sin d sin f = sin 23.45 + sin (-d) sin f et

sin 23.45 + sin (-d) sin f > ou = sin (-d) + sin (-d) sin f > ou = sin (-d) (1 + sin f)

sin (-d) >0 car d < 0 et 1 + sin f >0 que f soit > 0 ou < 0.

Donc cos f cos d cos t > 0 et cos t > 0 donc t < pi/2.

Quand T est à l’intèrieur du petit cercle a cos 23.45 on a donc des heures de jour quelle que soit la latitude.

2) T est entre les 2 cercles.

A) Soit T au sud de m en T1. On considère le soleil à l’ouest (après-midi). Les résultats seraient équivalents si l’on positionnait le soleil à l’est. En T1 l’azimut a = a1 est > pi/2 et cos a < 0.

De (7) on tire cos h cos a = sin f cos d cos t - sin d cos f < 0.

T1 est entre les 2 cercles lorsque les jours sont > 12h comme vu ci-dessus. Ce qui veut dire que f et d sont de même signe.

a1) f et d <0 <=> sin f cos d cos t < sin d cos f. sin f étant < 0 en divisant le 2è membre de cette inégalité par ce nombre < 0 on en change le sens et il vient : cos t > sin d cos f / sin f cos d

donc cos t > tg d / tg f > 0 puisque d et f sont de même signe et que leur valeur absolue est < à pi/2.

t est donc < à pi/2. f étant < 0 c’est le cas des heures de jour dans l’hémisphère sud. Ceci est valable dès que l’azimut est > pi/2 donc dès que T1 est au-dessous de r.

a2) f et d > 0. On a cos t < sin d cos f / sin f cos d et cos t < tg d / tg f > 0. On ne peut donc connaître le

signe de cos t. Le triangle OT1K1 (fig 6) est rectangle en K1 car K1 est la projection de T1 sur r .

On a K1T1 = OT1 cos (pi - a) = a cos h cos (pi - a) > a sin 23.45

et - cos h cos a > sin 23.45 <=> cos h cos a < - sin 23.45

cos h cos a = sin f cos d cos t - sin d cos f < - sin 23.45

sin f cos d cos t < sin d cos f - sin 23.45 < ou = sin 23.45 cos f - sin 23.45

sin f cos d cos t < sin 23.45 (cos f - 1) < 0. Donc cos t < 0 et t > pi/2.

C’est le cas des heures de nuit dans l’hémisphère nord (f >0).

B) T entre m et r (f > 0 car pour f < 0 on a vu que l’on a des heures de jour).

On a K1T1 < a sin 23.45 et - cos h cos a < sin 23.45 <=> cos h cos a > - sin 23.45

sin f cos d cos t > sin d cos f - sin 23.45 < ou = sin 23.45 (cos f - 1) < 0. Il n’est pas possible ici de connaître le signe de cos t et donc la valeur de t < ou > à pi/2.

On ne peut pas savoir dans cette zone si, dans l’hémisphère nord, on est en présence d’heures de jour ou de nuit.

C) T est en T2 au nord de b .

L’azimut a = a2 est < pi/2 et cos a est > 0.

cos h cos a = sin f cos d cos t - sin d cos f > 0

c1) f et d > 0.

cos t > tg d/ tg f > 0 et t < pi/2. On a des heures de jour pour l’hémisphère nord. Ceci est valable dès que T est au-dessus de r .

c2) f et d < 0.

sin f cos d cos t > sin d cos f; sin f est < 0: posons sin f = - v. De même posons sin d = - w. -v cos d cos t > - w cos f <=> v cos d cos t < w cos f <=> cos t < w cos f / v cos d

cos t < - sin d cos f / - sin f cos d et cos t < tg d / tg f > 0 . On ne peut connaître le signe de cos t.

Considérons de même le triangle rectangle OK2T2 (fig. 6) où K2 est la projection de T2 sur r .

K2T2 = OT cos a = a cos h cos a > a sin 23.45 d’où sin f cos d cos t > sin 23.45 + sin d cos f

< ou = sin 23.45 (1 + cos f) donc sin f cos d cos t > sin 23.45 (1 + cos f).

En divisant les 2 membres par sin f < 0 on change le sens de l’inégalité et on obtient

cos d cos t < ou = sin 23.45 (1 + cos f) / sin f < 0 donc cos t < 0 et t > ou = pi/2

Ce qui est le cas des heures de nuit sur l’hémisphère sud (f < 0).

D) T entre r et b et f < 0. (f > 0 vu en c1).

a cos h cos a < a sin 23.45 => sin f cos d cos t < sin 23.45 + sin d cos f < ou = sin 23.45 (1 + cos f)

et cos d cos t > sin 23.45 (1 + cos f) / sin f < 0.

On ne peut donc pas connaître le signe de cos t et on ne sait pas si on a des heures de jour ou de nuit

dans l’hémisphère sud.

fig 10

-V- CALCUL DE L’ERREUR DANS LA LECTURE DES HEURES LIMITES 6 H ET 18 H.

Aux environs de 6 h et 18 h (n = 6) les valeurs de SY sont proches. L’erreur de lecture est alors à son maximum. 1 h de temps <=> à un angle horaire de 15°.

Une petite erreur ep sur SY entraîne une erreur de temps en que l’on peut chiffrer par la relation

SY - SY ep = a cos d sin 15 (n +- en) = SY (1- ep)

SY = a cos d sin t = a cos d sin (15 n). Ici n = 6 et SY = a cos d d’où

1 - ep = sin 15 (n +- en ) = sin (90 +- 15 en ) = cos 15 en.

15° = 15 pi/180 = 0.2617993878 radian

d’où 1 - ep = cos 0.2617993878 en. Développons en série le cosinus par la formule de Mac Laurin

(cos x = 1 - x2 /2! + x4 /4!- ...) en ne retenant que les 2 premiers termes. Il vient:

cos 0.2617993878 en = 1 - (0.2617993878 en)² / 2!= 1 - ep

et en = sqr (2 ep / 0.2617993878 ²)

si ep = 0.01, en = 0.5401 c’est-à-dire qu’une erreur de 1/100è sur l’estimation de SY entraîne une erreur de 1 heure X 0.5401 = 32 minutes .

Pour les heures proches du méridien l’erreur est moindre. Freeman a trouvé après plusieurs mesures qu’elle était de l’ordre de 3 minutes entre 8 h et 16 h.

 

CONCLUSION

 

La gnomonique n’est donc pas comme on pourrait le penser une science morte.

Entre le premier cadran solaire du pharaon Thutmosis III, cadran empirique qui ressemblait à un rasoir jetable, et le premier cadran à polo réalisé par le savant marocain

Ali Aboul Hassan se sont écoulées prés de 3000 années sans que la gnomonique ne fasse d’avancée remarquable. Celle-ci, par la suite,

sous l’impulsion des mathématiciens arabes a pris un essor considérable.

Comme le signale R.R.J. Rohr la gnomonique européenne du XVII è siècle n’avait pu dépasser dans ses connaissances et applications les oeuvres magnifiques qui ornaient les mosquées orientales.

Cependant aux environs de l’an mille est apparu en Europe un cadran de hauteur appelé capucin et dont le créateur n’a laissé aucune trace.

Ce cadran est basé sur de solides connaissances astronomiques et trigonométriques et sa conception, de par sa subtilité, force l’admiration.

Fonctionnant pour un lieu fixe il a été "universalisé" au XVè siècle par l’astronome allemand Jean Muller dit Régiomontanus.

En 1644 Vaulezard imagine un nouveau type de cadran qu’il appellera analemmatique et dont Terpstra donnera en 1951 une démonstration élégamment simple.

A la fin du XVII è siècle Foster s’intéresse à ce type de cadrans et envisage d’autres moyens de projections. C’est vraisemblablement à la suite des travaux de Foster que Lambert

construit en 1777 l’année même de sa mort le premier analemmatique circulaire nord et sud. La théorie en est magnifique.

Un siècle et demi plus tard, en 1920, Michnick crée le bifilaire qui laisse de même l’amateur admiratif. Et enfin en 1978 le fabuleux astroïde de Freeman.

Les intervalles entre les découvertes en gnomonique semblent donc s’amoindrir avec le temps, ce qui montre un intérêt toujours bien vivant et sain pour cette science,

qui, à l’heure des horloges atomiques et des positionnements par satellites, peut paraître avoir perdu toute utilité et donc tout intérêt.

Mais pour l’amateur de gnomonique le plaisir du calcul restera toujours plus fort que le calcul du plaisir...

JEAN PAKHOMOFF 23/10/1996

mise à jour 19/9/2000

compléments sur la partie analytique de l’astroïde le 25 3 2001

BIBLIOGRAPHIE

-A latitude-independant sundial. J.G.FREEMAN (Bradford, England). "Journal of Royal Astronomical Society of Canada". Vol. 72, n° 2, 1978.

-Sur le cadran de Freeman. Robert SAGOT Juillet 1986 . Commission des cadrans solaires de la Société Astronomique de France. 3 Rue Beethoven 75016 Paris.

-Les cadrans solaires de René R.J. ROHR Editions Oberlin Strasbourg.

- Astronomie générale de P. BAKOULINE, E. KONONOVITCH, et V. MOROZ. Editions Mir Moscou.

-Calcul différentiel et intégral de N. PISKOUNOV; Editions Mir. Moscou.

-Eléments de géométrie analytique de N. EFIMOV. Editions Mir. Moscou.

-Traité de cosmographie de A. GRIGNON. Editions Vuibert et Nony. Paris.

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