LE CAPUCIN DE REGIOMONTANUS

Jean Pakhomoff

C’est aux alentours de l’an 1000 que naquit anonymement l’un des instruments les plus représentatifs du génie humain.

Le capucin est une horloge solaire entrant dans la catégorie des cadrans de hauteur. La visée du soleil permet la connaissance de l’heure.

Il y a deux sortes de capucins. Le plus simple fonctionne pour une latitude unique. Le second provient de l’adaptation du premier à une latitude quelconque.

Au-dela des cercles polaires son usage devient cependant difficile et même impossible car sa taille, dépendant de la tangente de la latitude, a tendance à croître vers l’infini.

Cette universalisation est due à l’astronome allemand Jean Muller dit Régiomontanus dans la seconde moitié du XVè siècle.

I- Le Capucin

Soit un plan xOy et, par exemple, 2 clous AC et BD plantés perpendiculairement à ce plan sur une même horizontale AB. Par A passe la verticale AZ (figure 1).

FIG 1

Faisons pivoter ce système dans le plan vertical tout en visant le soleil à l’aide des 2 clous.

Les ombres de AC et BD sont alors confondues sur la même droite AB et AZ perpendiculaire à AB fait avec un fil à plomb AG passant par A

un angle h égal à la hauteur du soleil à l’instant t.

(2 angles à côté perpendiculaires sont égaux et ici AZ perpendiculaire à AB et une horizontale perpendiculaire à une verticale).

Rappelons ici la formule classique donnant la hauteur d’un astre en fonction de sa déclinaison d, de l’instant t et de la latitude f du lieu:

sin h = sin d sin f + cos d cos f cos t (1)

Remarquons en passant que cette relation issue de la trigonométrie sphérique était connue en l’an 1000.

Traçons maintenant sur notre plan xOy une horizontale JJ’ que nous appellerons "ligne de base" et traçons une droite JK faisant avec JJ’

un angle f égal à la latitude du lieu (figure 2).

FIG 2

Menons par K une perpendiculaire FF’ à JK de telle façon que FJK = KJF = valeur absolue d’ e.

On obtient un trigone zodiacal FJF’. FJK correspond aux déclinaisons positives du printemps à l’automne et KJF’ aux déclinaisons négatives de l’automne au printemps.

La droite FF’ est donc une échelle de déclinaison (ou de dates). Le point F’’ sera mobile et fixable sur FF’.

Si l’on place le point F’’ à +20.2° on se trouve à l’entrée des Gémeaux (21/5) ou du Lion (22/7).

Par ce point F’’ faisons passer une tige mobile F’’G (fil à plomb, baguette...) porteuse d’une petite bille L règlable sur F’’G. Amenons L sur J aprés réglage du système de façon à ce que F’’L = F’’J.

Visons le soleil de façon à avoir les ombres de AC et de BD confondues sur AB comme vu ci-dessus.

Lâchons alors la petite bille qui va glisser sous l’action de la pesanteur et passer de J en L. F’’G devient alors la verticale de la figure 1.

L est sur cette verticale; F’’V correspond à la droite AK de cette figure et l’angle VF’’L est la hauteur h du soleil sur l’horizon.

Par K menons une perpendiculaire à JJ’ coupant JJ’ en I. La droite KI est appelée "ligne centrale".

La perpendiculaire abaissée depuis L sur les parallèles F’’V et KI coupe ces dernières en N et M.

On a d = ML = NL - NM

NL = F’’L sin h F’’L = F’’J comme rayons du cercle de centre F’’ et de rayon F’’J.

On pose l = JK et l’ = F’’J = l / cos d ; NL = l’ sin h = l sin h / cos d

FKI = KJJ’ comme angles à côtés perpendiculaires.

NM = F’’M’ = F’’K sin f tg d = F’’K / l et NM = l tg d sin f = l sin f sin d / cos d

d’où d = NL - NM = l sin h / cos d - l si f sin d / cos d = l (sin h - sin d sin f) / cos d

Si on remplace sin h par sa valeur donnée par la relation (1) on obtient:

d = l (sin d sin f + cos d cos f cos t - sin d sin f) / cos d = l (cos d cos f cos t) / cos d = l cos f cos t

En posant l cos f = IJ = m on a d = m cos t . On peut poser de même IK = l sin f = m tg f = n

n et m sont des valeurs invariables ne dépendant que de la latitude du lieu choisi et de la longueur l = JK fixée arbitrairement.

Donc d ne dépend que de l’angle horaire t du soleil quelle que soit sa déclinaison et donc la longueur F’’J qui lui est associée.

L se déplace sur une parallèle à la droite centrale KI selon la déclinaison considérée à la même heure t.

Les lignes horaires du capucin sont des parallèles à la droite KI éloignées de celle-ci de la valeur d = m cos t

Ces lignes horaires peuvent se tracer géométriquement en traçant un cercle de rayon IJ et en menant des rayons de 15 en 15°.

Par l’extrémité de ceux-ci on abaisse les perpendiculaires à IJ qui seront alors les lignes horaires du capucin (on retrouve d = IJ cos t).

La ligne de midi est la perpendiculaire à JJ’ passant par J (t = 0° , d = IJ)

La ligne de 6 h ou 18 h est la droite KI (t = 90° et t = 270°), d = 0)

La ligne de minuit (0h ou 24 h) est la perpendiculaire à JJ’ en J’ (t = 180°)

fig 3

Pour chaque déclinaison on obtient un arc diurne particulier. Tous ces arcs ayant J pour origine.

Leur longueur est fonction de l’arc semi-diurne (asd) correpondant à la déclinaison considérée

(cos asd = -(tg d tg f) );

On pense que le tracé de ces arcs a donné le nom de capucin. On peut y voir effectivement un capucin de moine inversé.

On remarquera que F’’J prend la même valeur pour les 4 dates de l’année ou la valeur absolue de d est la même.

Observons maintenant la figure 4 où l’on a dessiné le trigone zodiacal JFF’.

fig 4

La perpendiculaire abaissée de F’ donne le triangle rectangle JF’H dont les angles aigus sont HJF’ = f + ep et

HF’J = pi/2 - f - ep. Si l’on met les déclinaisons positives sur la ligne KF’ lorsque la hauteur sera supèrieure à pi/2 - f - ep le fil sera hors des lignes horaires du capucin.

L’été la hauteur atteint à midi la valeur pi/2 - f + ep > pi/2 - f - ep.

C’est pour cela que les déclinaisons > 0 sont placées sur la partie KF de FF'.

II- Le capucin universalisé de Régiomontanus.

Nous prendrons pour exemple sur la figure 5 le cas du jour du solstice d’été car la déclinaison est maximum (ep)et cela facilite la lecture de la figure.

Mais le raisonnement ci-aprés vaut pour n’importe quelle autre déclinaison.

fig 5

On remarque tout d’abord que la projection de l’échelle des déclinaisons FF’ sur une parallèle à la ligne de base IJ passant par K peut pareillement servir d’échelle de dates.

Le point F remontant en P le systéme FLJ se déplace en PL’P1 parallèlement et égal à lui-même. L décrit la ligne horaire t.

Ceci reste bien sûr valable pour toute autre déclinaison (tout autre point de FK).

Observons maintenant la figure 6. Sur la ligne centrale on retrouve le point K dépendant de la latitude f1 par lequel passe l’échelle de déclinaison FF’ comme vu

ci-dessus et l’échelle des déclinaisons PP’ projection de FF’ sur la parallèle à IJ.

Sur cette même ligne centrale prenons un point K1 qui va correspondre à la latitude f1. On fait parteillement passer par K1 la ligne GG’ correpondant au pied du tri

gone zodiacal de sommet J.

QQ’ en est la projection sur la parallèle à IJ passant par K1.

Le système KPFIJ nous permet d’écrire :

KF / JK = tg d ==> KF = JK tg d

KP = KF cos (p/2 - f) = JK sin f tg d = l sin f tg d = n tg d

PF = KF sin (p/2 - f) = JK cos f tg d = l cos f tg d = m tg d

PKI => PK / KI = PK / n = n tg d / n = tg d d’où PÎK = d

IP1J => P1J / IP2 = PF / m = m tg d / m = tg d d’où P1ÎJ = d

d’où PÎK = P1ÎJ = d (m comme nous l’avons vu est égal à l cos f et d = m cos t )

KPFIJ Le système K1QGIJ nous permet d’écrire :

K1G / JK1 = tg d => K1G = JK1 tg d

K1Q = K1G cos (p/2 - f1) =K1G sin f1 = JK1 sinf1 tg d = l1 sin f1 tg d = n1 tg d

QG = K1G sin (p/2 - f1) = JK1 cos f1 tg d = l1 cos f1 tg d = m tg d

QK1I => QK1 / K1I = n1 tg d / n1 = tg d d’où QÎK1 = d

QG = m tg d =PF = JP1 => le trigone de déclinaison IP1P2 reste le même quelle que soit la latitude.

Les droites IP et IQ faisant le même angle d avec la droite IK sont donc confondues en une seule et même droite.

Les mêmes calculs que ci-dessus conduisent à d = m cos t = l1 cos f1 = l cos f .

La ligne centrale du capucin peut donc servir d’échelle de latitude. Par un point de celle-ci correspondant à une latitude déterminée on mène une perpendiculaire

qui va couper toutes les lignes d’angles de déclinaisons. L’intersection de cette perpendiculaire avec la ligne de déclinaison correspondant au jour d’utilisation

(P ou Q dans notre exemple ) permet d’ancrer la tige porte bille. On place ensuite la bille à la date correspondante sur la ligne P1P2 du trigone IP1P2.

Si l’universalisation du capucin est digne de respect elle n’efface pas cependant le génie de l’idée première du capucin.

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